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MONDIALISATION
Tiré du n° 06/07 - 2007

Comptes Rendus

Le futur possible de l’Amérique Latine


Marc, cardinal Ouellet, archevêque de Québec, Primat du Canada, présente le livre de Guzmán Carriquiry Globalisation et humanisme chrétien


par le cardinal Marc Ouellet


Devant le phénomène complexe et incontournable de la globalisation, certains esprits ne voient que des avantages à la libéralisation totale des marchés mondiaux. D’autres résistent farouchement à cet optimisme, qu’ils voient teinté d’impérialisme, et prennent parti violemment pour un altermondialisme courageux mais utopique. Je salue Guzmàn Carriquiry d’ouvrir une nouvelle approche de ce phénomène à la lois prometteur et menaçant. L’auteur de cet essai passionnant réussit fort bien à nous faire saisir l’importance du processus actuel d’unification de la planète à partir du point de vue original de l’Amérique latine. Il n’adhère pas à l’idéologie dominante néo-libérale. Il corrige plutôt et complète les analyses partielles et surtout matérielles d’un phénomène ambigu qui ne transforme pas toujours pour le mieux, tant s’en faut, la vie quotidienne de millions d’êtres humains.
Guzman Carriquiry Lecour, Globalisation et humanisme chrétien. Perspectives sur l’Amérique Latine, Anne Sigier, Québec, Canada 2007, 337 pp., 25,00 euro

Guzman Carriquiry Lecour, Globalisation et humanisme chrétien. Perspectives sur l’Amérique Latine, Anne Sigier, Québec, Canada 2007, 337 pp., 25,00 euro

Globalisation et humanisme chrétienperspectives sur l’Amérique latine est un essai remarquable et même visionnaire sur la place actuelle et l’avenir possible de l’Amérique latine sur la scène mondiale. L’originalité de l’essai tient à trois traits qu’il me semble important de souligner, le premier étant le point de vue des pauvres de l’Amérique latine, qui sont victimes d’une mondialisation galopante. Celle-ci multiplie la richesse d’un petit nombre de nantis en creusant l’écart avec la misère des masses.
Deuxièmement, l’auteur pratique une approche multidisciplinaire fournissant une somme considérable d’informations et de réflexions qui constituent un dossier très éclairant non seulement pour un débat Nord-Sud renouvelé, mais aussi pour une réflexion plus large sur la vocation de l’Amérique latine sur la scène mondiale.
Troisièmement, ayant vécu dix ans en Colombie, je communie profondement aux aspirations et aux défis de l’Amérique latine, tels qu’ils sont présentés ici avec beaucoup de vision et avec une compétence technique remarquable. Peu de livres m’ont donné des clés de compréhension et des perspectives aussi profondes et novatrices que celui-ci. En proposant une interprétation chrétienne et rationnelle de l’histoire du continent latino-américain et de ses liens multiples avec l’Europe et l’Amérique du Nord, l’auteur s’engage à fond dans une réflexion libératrice qui contribuera certainement à l’autonomie intellectuelle du continent, de même qu’au développement d’un esprit de solidarité, de subsidiarité et de justice. Les peuples latino-américains sont appelés à surmonter leurs régionalismes pour construire ensemble les alliances nécessaires et réalistes avec leurs voisins du nord et leurs partenaires du tiers monde.
Beaucoup apprécieront la liberté intellectuelle de ce laïc catholique qui n’hésite pas à dénoncer sans ambages les idéologies réductrices de l’humain, qu’elles soient de gauche ou de droite, au nom d’une vision intégrale de la personne humaine et en vue d’un nouvel ordre éthique mondial fondé sur le respect des cultures, la paix, la justice et la solidarité entre les nations.
On trouve très rarement une approche critique aussi nuancée et complète du défi de la globalisation pour l’Amérique latine, car les dimensions éthique, historique et culturelle sont analysées à leur juste place à côté des facteurs économiques, sociaux et politiques. La riche expérience de l’auteur sur le plan international lui permet d’offrir une vision «catholique» de la mondialisation, sans étroitesse confessionnelle. Il n’hésite pas à puiser abondamment aux principes de base et aux critères éprouvés de la doctrine sociale de l’Église. On voit celle-ci reprendre enfin tous ses droits et retrouver son actualité après qu’elle eut subi une éclipse partielle due à l’influence marxiste sur certaines théologies de la libération. Sur ce point, l’auteur évite les simplifications à outrance et remet les choses en perspectives. Il considère les années 1989-1992 comme un tournant décisif pour l’Amérique latine, car l’écroulement du bloc communiste a libéré le continent d’un poids idéologique qui entravait le développement d’une véritable solidarité continentale. Sa critique ne manque pas d’acuité et montre qu’une nouvelle stratégie mondiale de paix et de développement est à construire après la tragédie du 11 septembre 2001.
Je remercie les Éditions Anne Sigier d’offrir au public francophone un livre fort inspirant tant par le souffle prophétique qui l’anime que par sa rigueur rationnelle. Je souhaite que l’esprit chrétien dont il témoigne promeuve efficacement une véritable mondialisation de la charité et de la solidarité au profit des plus pauvres de la planète.


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