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CONGRÉGATION DES SAINTS
Tiré du n° 01 - 2008

DOCUMENTS. Interview du cardinal José Saraiva Martins

Il faut procéder avec plus de prudence et d’attention


Le préfet de la Congrégation pour les Causes des Saints explique le contenu de la nouvelle instruction Sanctorum Mater, qui détermine la procédure à suivre pour les causes de béatification dans la phase diocésaine


Interview du cardinal José Saraiva Martins par Gianni Cardinale


Dans le fascicule des Acta Apostolicae Sedis diffusé en décembre dernier avec la date du 1er juin 2007, est publiée une nouvelle “Instruction pour le déroulement des enquêtes diocésaines et éparchiales dans les causes des saints”. Le document, intitulé Sanctorum Mater, a été émis par la Congrégation pour les Causes des Saints. L’Instruction, approuvée par Benoît XVI le 22 février 2007, porte la date du 17 mai suivant et est signée par le cardinal préfet José Saraiva Martins et par Mgr Michele Di Ruberto qui avait été nommé archevêque et secrétaire de ce dicastère douze jours auparavant.
Le document, qui a été publié en langue italienne (mais les versions officielles dans les autres langues sont déjà sous presse), se compose d’une introduction suivie de 150 paragraphes et d’un appendice de 15 nouveaux articles qui, consacrés à la “Reconnaissance canonique de la dépouille mortelle d’un serviteur de Dieu”, décrivent les procédures à suivre pour la translation des reliques. Un sujet qui est devenu d’actualité depuis les polémiques qui ont suivi la décision de l’archidiocèse de Manfredonia-Vieste-San Giovanni Rotondo d’effectuer une reconnaissance de la dépouille mortelle de saint Pio da Pietrelcina.
Pour illustrer le contenu de la nouvelle Instruction, 30Jours a interviewé le cardinal Saraiva Martins qui est depuis dix ans à la tête du dicastère chargé des causes des saints.

Benoît XVI avec le cardinal José Saraiva Martins pendant l’audience accordée au Collège des postulateurs, aux supérieurs et aux officiers de la Congrégation pour les Causes des Saints, le 17 décembre 2007

Benoît XVI avec le cardinal José Saraiva Martins pendant l’audience accordée au Collège des postulateurs, aux supérieurs et aux officiers de la Congrégation pour les Causes des Saints, le 17 décembre 2007

Éminence, pourquoi cette nouvelle Instruction?
JOSÉ SARAIVA MARTINS: C’est un document dont on ressentait depuis longtemps le besoin. Je me rappelle que la session plénière de notre Congrégation, qui s’était tenue en avril 2006, avait précisément comme premier sujet à l’ordre du jour un document qui permît de sauvegarder une application fidèle des Normae servandae in inquisitionibus ab episcopis faciendis in causis sanctorum, émises en 1983 par ce dicastère «dans le but de sauvegarder le sérieux des investigations qui se déroulent dans les enquêtes diocésaines sur les vertus des serviteurs de Dieu, sur les cas de martyrs déclarés ou sur les éventuels miracles». Et Benoît XVI s’est aussi attardé sur ce sujet dans le Message qu’il a envoyé aux participants de cette session plénière.
Que vous a dit à cette occasion le Pape?
SARAIVA MARTINS: «Les causes», a confirmé Benoît XVI, «doivent être instruites et étudiées avec le plus grand soin, en recherchant avec zèle la vérité historique, à travers des preuves issues de témoignages ou de documents omnino plenae, car celles-ci n’ont d’autres finalités que la gloire de Dieu et le bien spirituel de l’Église et de ceux qui sont à la recherche de la vérité et de la perfection évangélique. Les pasteurs diocésains, en décidant coram Deo quelles sont les causes qui méritent d’être ouvertes, évalueront avant tout si les candidats aux honneurs des autels jouissent réellement d’une réputation de sainteté, de miracles ou bien de martyre, solide et largement confirmée». «Cette réputation, dont le Code de Droit canonique de 1917 souhaitait qu’elle fût “spontanea, non arte aut diligentia procurata, orta ab honestis et gravibus personis, continua, in dies aucta et vigens in praesenti apud maiorem partem populi” (can. 2050, § 2), est un signe de Dieu qui indique à l’Église ceux qui méritent d’être placés sur “le lampadaire” et de briller “pour tous ceux qui sont dans la maison” (Mt 5, 15)». «Il est clair», a conclu le Pape «que l’on ne pourra pas ouvrir une cause de béatification et de canonisation en l’absence d’une réputation de sainteté démontrée, même si l’on se trouve en présence de personnes qui se sont distinguées par leur cohérence évangélique et par leurs mérites ecclésiaux et sociaux particuliers». J’ai voulu rapporter dans leur intégralité la paroles du Pape parce que notre dicastère s’en est tenu scrupuleusement, dans la rédaction de l’Instruction en question, aux indications pontificales. Puis-je vous donner un exemple à ce sujet?
Je vous en prie.
SARAIVA MARTINS: Le canon du Code de Droit canonique cité précédemment est devenu presque à la lettre l’alinéa 2 du paragraphe 7 de l’Instruction: «La réputation [de sainteté ou de martyre ndr] doit être spontanée et non procurée artificiellement. Elle doit être stable, continue, diffusée parmi des personnes dignes du foi et vivante dans une partie significative du peuple de Dieu». J’ajouterais qu’en ce sens, le rôle réservé aux laïcs est important. Ce sont eux, en effet, les témoins principaux de la réputation de sainteté.
Comment se présente l’Instruction?
SARAIVA MARTINS: Le document, divisé en six parties, décrit minutieusement tous les actes que les diocèses doivent accomplir pour commencer et mener à bien la phase diocésaine du procès de béatification. La première partie rappelle, comme nous l’avons vu, la nécessité d’une authentique réputation de sainteté pour commencer le procès et explique ce que sont l’acteur, le postulateur et l’évêque compétent de la cause. La deuxième partie décrit la phase préliminaire de la cause qui va jusqu’à la concession par la Congrégation vaticane du nulla osta. La troisième partie parle de l’Instruction de la cause, la quatrième des modalités à suivre dans la recherche des documents-preuves et la cinquième des témoignages requis (testificali). Il y a aussi dans cette section un petit chapitre consacré à l’«utilisation des appareils d’enregistrement et des ordinateurs». Et finalement la sixième partie indique les procédures pour les actes conclusifs de l’enquête diocésaine.
Au total, quelles sont les nouveautés de sainteté, le martyre et les miracles présumés sont expliquées avec beaucoup de précision.
Vous avez déclaré dans une interview accordée à L’Osservatore Romano que, dans les causes de béatification, il est «nécessaire de procéder avec encore plus de prudence et d’attention». Cela veut-il dire qu’en ce moment, dans les diocèses, il n’en est pas ainsi?
SARAIVA MARTINS: Je ne voudrais pas dire cela. Disons que cette Instruction présente de manière organisée ce que la Congrégation a sans cesse répété ces dernières années en répondant à des questions particulières et à des demandes d’éclaircissement venues des différents diocèses. Nous, nous désirons seulement que les choses soient bien faites.
Pensez-vous que les petits diocèses ou les diocèses du Tiers-monde ont les instruments nécessaires pour se conformer à toutes les dispositions prévues?
SARAIVA MARTINS: Il y a certainement des diocèses qui pourraient rencontrer quelque difficulté dans ce domaine. Dans ces cas-là, nous invitons toujours les diocèses à se référer ou à s’associer à d’autres diocèses voisins pour chercher une aide et, éventuellement, à créer des structures interdiocésaines répondant aux besoins.
Saraiva Martins avec Paul VI et le cardinal Agnelo Rossi

Saraiva Martins avec Paul VI et le cardinal Agnelo Rossi

L’Instruction Sanctorum Mater a aussi un appendice qui concerne la “Reconnaissance canonique de la dépouille mortelle d’un serviteur de Dieu”. À vrai dire, le texte s’occupe aussi de la reconnaissance et de la translation des reliques des saints et des bienheureux. Que pouvez-vous nous dire au sujet de la reconnaissance de la dépouille de saint Pio da Pietrelcina?
SARAIVA MARTINS: Le diocèse compétent, à savoir le diocèse de Manfredonia-Vieste-San Giovanni Rotondo, a envoyé à notre Congrégation la demande de concession d’un nulla osta à la reconnaissance et à l’exposition pour une période de temps déterminée de la dépouille mortelle de saint Pio. On nous a de plus communiqué qu’après cette période d’exposition, la dépouille sera déposée dans le lieu le plus approprié, mais on ne nous a pas précisé en quel lieu.
Il n’a donc pas été précisé à votre Congrégation si la dépouille de saint Pio serait replacée dans l’ancien sanctuaire ou dans le nouveau…
SARAIVA MARTINS: Il n’appartient pas à notre Congrégation de décider dans un sens ou dans un autre. C’est une décision qui revient à l’évêque local qui demande au dicastère le nulla osta. Nous ne pourrions intervenir que si se profilait l’hypothèse que la dépouille puisse être conservée en un lieu non digne. Mais il ne me semble pas que ce soit le cas ici.
Éminence, Benoît XVI a reçu en audience, le 17 décembre dernier, le Collège des postulateurs ainsi que les supérieurs et les officiers de la Congrégation pour les Causes des Saints. Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans le discours prononcé par le Pape à cette occasion?
SARAIVA MARTINS: J’ai été favorablement impressionné par le paragraphe suivant: «Tous ceux qui travaillent aux causes des saints, bien qu’avec des rôles différents, sont appelés à se mettre exclusivement au service de la vérité. Pour cette raison, au cours de l’enquête diocésaine, les preuves de témoignages et les documents doivent être recueillis, qu’ils soient favorables ou contraires à la sainteté et à la renommée de sainteté ou de martyre des Serviteurs de Dieu. L’objectivité et l’exhaustivité des preuves recueillies dans cette première phase – fondamentale par certains aspects – du procès canonique accompli sous la responsabilité des évêques diocésains, doivent évidemment s’accompagner de l’objectivité et de l’exhaustivité des Positiones, que les rapporteurs de la Congrégation préparent avec la collaboration des postulations». Ces paroles du Pape intègrent, d’une certaine manière, le texte de l’Instruction. Et elles sont elles aussi la boussole dont ne peuvent se passer ceux qui s’occupent des causes des saints.


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