Revenons à saint Augustin
«Ne parler de l’Église qu’en termes de programmation amène inéluctablement à penser que, finalement, ce sont les hommes qui sont à l’origine de l’acte de foi. Et c’est-là la transposition, en termes pastoraux, de la pensée de Pélage».
Interview de Francesco Moraglia, patriarche de Venise
Interview du patriarche de Venise Francesco Moraglia par Gianni Valente
«Nous ne serons pas en mesure d’offrir des réponses adéquates sans un nouvel accueil du don de la Grâce; nous ne saurons pas conquérir les hommes à l’Évangile si nous ne revenons pas nous-mêmes, les premiers, à une profonde expérience de Dieu». C’est ce qu’a déclaré Benoît XVI aux évêques italiens réunis en assemblée plénière, le 24 mai dernier. Tandis que s’approche l’Année de la foi, le Successeur de Pierre ne perd pas une occasion de suggérer la seule chose qui semble lui tenir vraiment à cœur. Nous vivons une époque pleine de confusion qu’il faut regarder malgré tout avec un «regard reconnaissant pour le bon grain qui croît même dans un terrain qui se présente souvent comme aride». Époque dans laquelle l’actualité ecclésiastique semble elle aussi rendre plus évidentes et lumineuses les paroles de Jésus: «Hors de moi, vous ne pouvez rien faire» (Jn 15, 5). «Je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde» (Mt 28, 20).
C’est dans ce cadre que Mgr Francesco Moraglia a accompli les premiers pas de son ministère, en tant que nouveau patriarche de Venise. Les réponses qu’il donne dans l’interview ci-dessous, dans laquelle il écarte tout risque d’“auto-occupation ecclésiale”, constituent une aide simple à vivre comme un temps propice l’Année de la foi, désormais imminente.
Le nouveau patriarche de Venise, Francesco Moraglia, pendant la cérémonie d’intronisation, le 25 mars 2012 [© Federico Roiter]
FRANCESCO MORAGLIA: En convoquant l’Année de la foi, le Saint-Père a voulu indiquer ce qui est depuis toujours – et donc aujourd’hui aussi – la réalité sur laquelle se fonde la vie du croyant et de l’Église, à savoir la foi.
C’est la conception que l’on a de la foi qui détermine la façon d’entendre le christianisme; et la foi étant le commencement de la vie chrétienne, vaut pour la foi ce que l’évangéliste Marc dit à propos de la parabole du semeur: si vous ne comprenez pas celle-ci comment pourrez-vous comprendre toutes les autres paraboles? Bref: selon l’idée que nous nous faisons de la foi, naissent et se développent des types de christianisme différents.
Les journaux écrivent: cette Année sert à “revitaliser” la foi. Mais cela est-il en notre pouvoir? Sommes-nous, nous – l’Église, le Pape, les fidèles –, les auteurs de notre foi?
L’Église, le Pape, les fidèles, ainsi que les théologiens eux-mêmes, ne sont pas à l’origine de l’acte de foi et de la vie du croyant.
Aussi devons-nous faire attention à notre façon de parler. Dans le cadre humain et ecclésial, le langage revêt une importance fondamentale; et parler de l’Église seulement ou principalement en termes de programmation, de même que réduire l’évangélisation à une question de langage, amène inéluctablement à penser que, finalement, ce sont les hommes qui sont à l’origine de l’acte de foi. Tout est ainsi réduit à une opération humaine. Mais, à bien y regarder, c’est-là la transposition, en termes pastoraux, de la pensée de Pélage; selon moi, aujourd’hui plus que jamais, doit résonner le nom d’Augustin à l’école duquel tous, pasteurs et fidèles, nous devons revenir.
Pour revenir à votre question: l’Église, le Pape et les fidèles peuvent – à proprement parler – revitaliser la foi, avant tout en la mettant avec une force renouvelée au centre de la vie ecclésiale et en la proposant comme méthode de vie, ou mieux, comme la grande affaire du chrétien.
Comment naît la foi? Peut-elle être le résultat d’un plan d’éducation qui fasse apparaître le sens religieux de l’homme?
Je me contenterai de dire que la foi étant le terme de la grâce, elle est un pur don! Je ne voudrais pas en effet que, surtout dans le contexte actuel, en affaiblissant la force de cette affirmation, on finisse – comme je l’ai déjà dit – par définir la foi en termes trop humains. Certainement l’expression: la foi est pure grâce doit être entendue dans le sens que la foi nous est toujours offerte d’une façon humaine, c’est-à-dire en interpellant notre liberté et en tenant toujours compte de celle-ci et de notre responsabilité.
Comment se maintient, se nourrit et grandit notre foi? Comment fait-on pour ne pas la perdre? Est-ce une question de ténacité?
La foi se maintient simplement quand on la vit quotidiennement dans la compagnie de l’Église; on la nourrit donc jour après jour, et on la fait croître en appartenant au monde de la foi et en renouvelant chaque jour le choix de la foi; en d’autres termes, en se laissant porter par la foi et en se rappelant que – dans la vie concrète – pour finir, pour le chrétien, tout est don. Se découvrir créature et se réjouir de l’être, se percevoir dans sa personne et dans son histoire comme faisant partie d’un tout, d’un projet qui toujours nous précède et nous accompagne, c’est certainement cela, pouvons-nous dire, la grâce à l’œuvre. Je trouve particulièrement efficace l’expression qu’a employée Benoît XVI dans Porta fidei: «La foi grandit quand elle est vécue comme expérience d’un amour reçu et quand elle est communiquée comme expérience de grâce et de joie…».
Quand on parle de la foi, les appels à l’Esprit, à la Grâce, à Jésus, apparaissent parfois comme des formules rituelles, des préambules du “jargon” ecclésial que l’on doit obligatoirement énoncer avant de passer au “vrai discours”, où l’accent est mis sur la stratégie, sur la formule à adopter, sur le plan d’éducation qui nous est confié.
Il arrive parfois que ces appels soient presque totalement absents du langage de ceux qui, cependant, se déclarent chrétiens! C’est ainsi que disparaissent les bases de la vie de baptême. La chose est encore plus grave si nous pensons que c’est avant tout dans le langage que s’exprime la culture des gens; dans certaines catéchèses, par exemple, on est passé de la confession de Jésus sauveur à Jésus compris comme maître, puis comme ami, et finalement comme force spirituelle.
Mais si la foi qui, dans la vie de la personne et de l’Église, est essentiellement don et accomplissement, est rabaissée dans cette dimension qui est la sienne, et que tout tend à être programmation pastorale et construction humaine, à limiter l’action de l’Esprit à des choix d’organisation, le salut devient alors lui aussi un fait de pur projet théologique et d’organisation pastorale. On peut multiplier les exemples, mais je me limiterai ici à en indiquer un dans le domaine de la célébration liturgique: l’hyper-activisme créatif et une certaine tendance au vedettariat face à l’assemblée.
Dans beaucoup de discours, la foi est identifiée e contrario, comme si son affirmation était avant tout une réponse à des tendances et des courants culturels de la modernité dans laquelle nous vivons. Que pensez-vous de cette modalité d’approche? La foi doit-t-elle d’abord s’exprimer comme réfutation culturelle de la non-foi?
Oui, c’est vrai, ce risque existe réellement.
La foi doit, avant tout, être fidèle à elle-même, c’est-à-dire qu’elle doit dire Jésus-Christ, le dire bien, le dire à tous, le dire de façon compréhensible et à partir – comme l’enseigne la constitution dogmatique Dei Verbum – de la Parole de Dieu transmise par l’Église.
La critique qui était adressée à une certaine conception livresque coïncidait exactement avec le fait qu’on se laissait prendre par des “questions” que l’on voulait réfuter mais on finissait, ce faisant, par réduire ou même déformer de manière inacceptable la vérité de foi que l’on voulait annoncer.
Concrètement, que faut-il faire si l’on veut profiter de l’occasion de l’Année de la foi? Faut-il prendre des initiatives? Faire des discours?
La foi est réponse à une personne – à la personne de Jésus-Christ –; alors les discours, les conférences, les congrès sont à eux seuls insuffisants face à la réalité humaine-divine de la foi; ils seraient suffisants si la foi se situait uniquement sur le plan humain, si elle était un pur choix éthique ou une thèse philosophique. Or la foi demande à être saisie et vécue dans sa réalité sacramentelle, c’est-à-dire dans sa réalité humaine-divine.
Je suis donc convaincu, pour donner un exemple, qu’une participation plus intense et une éducation plus soignée à la célébration liturgique du peuple de Dieu – pasteurs et fidèles – en vue d’une vie renouvelée de charité envers Dieu et le prochain, est une proposition adéquate, un juste point de départ, en vue de l’Année de la foi.
Il s’agit, je le répète, de faire participer la totalité de la communauté ecclésiale à l’événement de Pâques – mort/résurrection du Christ –; nous sommes de cette façon immédiatement conduits au centre de l’événement salvifique, qui ne peut être saisi que dans la foi; le cœur de l’acte eucharistique se connote, précisément, comme mysterium fidei.
Jésus et la Samaritaine, détail des mosaïques de la basilique Saint-Marc à Venise
Cela implique des choses innombrables. Je n’en indique qu’une mais qui, me semble-t-il, aide à comprendre: je pense à l’usage de l’adjectif possessif “notre”, que l’on place devant le nom Église; c’est une façon de parler qui exprime la proximité, l’affection, la sympathie à l’égard de l’Église. Mais si on ne veille pas à le garder uni à l’autre adjectif: “Son” Église, le risque est que nous considérions l’Épouse du Christ comme notre créature, notre produit, une réalisation humaine que, pour finir, précisément parce qu’elle est “nôtre”, nous pouvons toujours et de nouveau reconstruire ou déconstruire à notre gré. Or l’Église est avant tout “Son” Église, c’est-à-dire qu’elle est l’Église du Christ, lequel, selon la belle symbolique patristique des premiers siècles, reprise ensuite par le Moyen Âge, est le soleil, tandis que l’Église se présente comme mysterium lunae et est totalement éclairée par le soleil.
Parfois, même dans notre récente actualité ecclésiale, cette perception de l’origine de l’Église semble pour beaucoup de chrétiens s’obscurcir dans une sorte de renversement: de reflet de la présence du Christ, on en vient à percevoir la communauté ecclésiale comme une réalité occupée à attester par elle-même l’importance de sa présence dans l’histoire. Et cette attestation d’elle-même est présentée comme un moyen de “démontrer” la crédibilité du christianisme. À quoi peut porter cette attitude?
Si l’on perd de vue que l’événement chrétien est quelque chose de réel et d’historique, qui regarde la chair et le sang, on est alors conduit à une vision “spiritualiste” qui ne parvient plus à intercepter l’homme concret, fait, précisément, de chair et de sang.
De cette façon, si on perd de vue que l’Église est corps du Christ, l’Église sera, en toute circonstance, à la recherche de sa légitimation et de son affirmation et elle ne se réfèrera plus qu’à elle-même. Pensons aux deux disciples d’Emmaüs qui ne s’aperçoivent pas de la présence de Jésus ressuscité et qui continuent à parler de leurs problèmes, de leurs tristesses et qui ne réussissent pas à ouvrir les yeux et à Le voir.
C’est le drame, toujours possible, de l’autoréférentialité de l’Église, ce qui signifie: perte de son identité sacramentelle; l’Église, en effet, nous rappelle encore le Concile Vatican II dans la constitution dogmatique Lumen gentium, est sacrement du Christ, aussi l’obscurcissement de cette réalité est-il d’une grande gravité.
De façon analogue, il semble parfois qu’il faille confier le témoignage de la foi dans le monde à des initiatives extraordinaires ou même spectaculaires.
Mais prendre ce chemin veut dire être en opposition avec ce que Jésus a dit et fait dans l’Évangile et avec la réalité même de la vie humaine faite de gestes quotidiens. L’Église, de cette façon, signerait elle-même sa disparition; on ne peut en effet vivre de choses extraordinaires, on vit de choses ordinaires, de choses de tous les jours; l’Évangile ne s’adresse pas à quelques élus et n’est pas fait de choses vécues una tantum. Au contraire, il est question du salut tous les jours et pour chaque homme.
Le début de l’Année de la foi coïncide avec le cinquantième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II. Certains attribuent directement à cet événement la crise de la foi et arrivent à le considérer comme la cause du recul du christianisme ou même comme l’instrument de la pénétration d’une pensée non catholique dans l’Église. Qu’en pensez-vous?
J’ai été ordonné prêtre en 1977, je peux donc dire que je suis né, du point de vue théologique et sacerdotal, après le grand événement ecclésial du Concile œcuménique Vatican II. Si nous relisons les textes conciliaires, si nous en interprétons l’esprit à partir de la lettre et non contre la lettre, si nous ne nous lançons pas dans des affirmations du genre “par fidélité au Concile, il faut aller au-delà du Concile” (formule dans laquelle chacun peut trouver ce qui, chaque fois, lui plaît le plus), nous ne pouvons alors considérer le Concile que comme une véritable grâce pour l’Église de notre temps. Là aussi, une fois encore, Benoît XVI nous a indiqué la voie maîtresse en parlant de l’herméneutique de la réforme dans la continuité et en prenant ses distances par rapport à toute herméneutique de la rupture.
L’Année de la foi a un précédent dans l’année ouverte par Paul VI en 1967, qui a culminé dans la proclamation du Credo du peuple de Dieu. Comment avez-vous personnellement vécu cette période, comment vous la rappelez-vous?
J’étais alors adolescent, j’avais quatorze ans; mais je me rappelle bien qu’on sentait croître dans les media, et par conséquent dans la société, une atmosphère de soupçon et, de toute façon, d’opposition au magistère de l’Église. Apparaissait clairement la tentative de diviser la communauté ecclésiale, en opposant le magistère – surtout celui du Pape – aux fidèles, considérés comme le vrai peuple de Dieu. On oubliait, ou peut-être on ne voulait pas se rappeler, que la constitution Lumen gentium, quand elle parle du peuple de Dieu comme du détenteur du pouvoir prophétique et charismatique, déclare, en citant Augustin: «La collectivité des fidèles ne peut se tromper dans la foi lorsque, “des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs” (cf. saint Augustin, De praedestinatione sanctorum 14, 27: PL 44, 980), elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel». C’étaient des années où, avec une juste catéchèse, on aurait dû soutenir et accompagner davantage la foi des simples devant le pouvoir excessif des spécialistes.
L’Année de la foi coïncide avec une crise économique qui ébranle aussi les sociétés du bien-être. Certains diront que les gens cherchent refuge dans la spiritualité pour supporter les problèmes matériels. Qu’est-ce que la foi a à faire, par exemple, avec la perte du travail qui angoisse en ce moment, en Italie, des millions de personnes?
L’idée que l’on se réfugie dans la foi dans le seul but de ne pas succomber aux problèmes matériels est une fausse idée de la foi; le croyant, en effet, est celui qui adhère au Seigneur Jésus, indépendamment du fait que les choses, humainement, aillent bien ou mal.
La foi, “surtout”, ne concerne pas quelque chose de collatéral pour l’homme. L’homme n’est pas déjà accompli en lui-même, en dehors de son rapport avec Jésus Christ. Au contraire, la foi est ce qui porte la réalité humaine à son accomplissement en la respectant dans sa spécificité et dans son autonomie.
Cela dit, il est sûr que la foi soutient particulièrement les gens qui traversent des moments difficiles, en les aidant à vivre ces moments et à les insérer dans un horizon plus vaste; mais la foi ne dispense pas, pour autant, le croyant d’accomplir tous les pas qu’il doit humainement accomplir et de faire tout ce qui est en son pouvoir.
Il y a quelques années, l’histoire suivante circulait dans le milieu des théologiens: alors qu’un bateau est en train de couler, le commandant ordonne: «Les athées aux pompes, les croyants à la prière!».
Vous êtes né et avez grandi à Gênes et vous êtes maintenant patriarche de Venise. Y a-t-il quelque trait particulier qui caractérise et rapproche la foi des gens de mer?
L’amour de leur histoire et l’attachement à leurs racines, le désir de garder vivants les souvenirs et les traditions, la valeur donnée à la religiosité populaire et, aussi, le fait de comprendre le sens de la vie comme un voyage, le fait d’aller vers un but. Et donc, pour finir, une grande ouverture à l’avenir et aux autres. D’autre part, la mer relie les rives de différents pays et continents, elle rend possible la communication entre les hommes, à travers des rencontres et des échanges commerciaux mais aussi et surtout culturels; et enfin, la mer, précisément dans son immensité, devient le symbole de Dieu et de son infinité.
Le nouveau patriarche de Venise, Francesco Moraglia, pendant la cérémonie d’intronisation, le 25 mars 2012 [© Federico Roiter]
Ma foi, en tant qu’assentiment aux réalités auxquelles on croit, est aujourd’hui la même que lorsqu’il y a de nombreuses années je me préparais à ma première communion ou lorsque j’étais enfant de chœur. Et je trouve que c’est quelque chose de très beau, parce que cela dit une fois de plus la vérité de l’Évangile. Je fais allusion à l’invitation de Jésus: laissez venir à moi les petits enfants; la foi apparaît ainsi – comme ce qu’elle est réellement – à savoir un foi pour tous: enfants, adultes, simples et savants, riches et pauvres; apparaît ici, dans son vrai sens, la nature “démocratique” de la foi.
La modalité d’adhésion ne change en rien la substance de l’acte de foi qui est, justement, adhésion au mystère et non élaboration culturelle. C’est précisément pourquoi les différents et multiples modes d’adhésion, plus ou moins cultivés selon les cas, ne changent en rien la foi elle-même, c’est-à-dire le oui qui donne le salut.
Quelles indications donnerez-vous aux fidèles pour vivre l’Année de la foi?
Ce que je recommande c’est de redécouvrir la foi dans ses caractéristiques propres, en allant au-delà de toute réduction et distorsion possibles. Le risque est de faire de la foi une réalité intellectuelle ou sentimentale, en ne la saisissant plus comme un événement salvifique qui conduit la réalité humaine à son accomplissement; l’homme n’y arrive pas tout seul et la foi lui permet d’accomplir son humanité; la foi complète ce que ma nature de créature ne fait qu’entrevoir et pré-annoncer.
Aussi, l’indication de méthode que Jésus donne à ses disciples quand il les appelle à l’apostolat, est fondamentale. À la question: maître, où habites-tu? Jésus répond en les invitant à le suivre. Nous aussi, au début de cette Année de la foi, nous devons, en premier lieu, redécouvrir la vie ecclésiale comme sequela Christi. Il s’agit de vivre non seulement dans l’Église mais, comme le disait il y a presque un siècle Romano Guardini, de vivre l’Église. Et il est fondamental pour ce faire de se recentrer dans une prière plus authentique – spécialement dans la prière liturgique – et aussi de redécouvrir le geste humble du pèlerinage, signe d’un chemin commun vers le but qu’est le Seigneur Jésus, commencement et accomplissement de notre foi.
Luciani, lui aussi patriarche, a fait en tant que Pape ses premières catéchèses sur la foi, l’espérance et la charité. De quelle façon cette figure peut-elle offrir des éléments d’édification dans l’activité pastorale?
Le centième anniversaire de sa naissance tombe cette année et nous chercherons à le célébrer de façon digne. On l’a parfois jugé durement et on lui a même reproché d’être trop fidèle au Pape et à son magistère. En réalité, il a cherché jusqu’à la fin à faire concorder les choses et à trouver des solutions aux problèmes. Et, plus de trente ans après sa mort, le souvenir de Luciani est resté très vivant dans le peuple et dans les paroisses. Les Vénitiens, ceux de la mer comme de la terre, ont un souvenir reconnaissant et affectueux du passage de ce patriarche. Ils se le rappellent comme un homme de Dieu, un pasteur qui a laissé une marque dans le peuple grâce, entre autres, au caractère concret de ses homélies et à sa capacité de dialogue et d’écoute.