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ÉDITORIAUX
Tiré du n° 03 - 2005

Bush n’a peut-être pas été mis au courant au sujet de la Syrie



Giulio Andreotti


L’arrivée de Giuliana Sgrena à l’aéroport de Ciampino, à Rome, le 5 mars 2005

L’arrivée de Giuliana Sgrena à l’aéroport de Ciampino, à Rome, le 5 mars 2005

Monsieur le Président, ce n’est pas sans une certaine gêne que je prends la parole parce que, dans des moments comme ceux que nous vivons aujourd’hui, on serait plutôt enclin à méditer en silence. Mais notre petit Groupe sénatorial pour les autonomies ne doit pas se soustraire à son rôle, lequel n’est pas faussé par les a priori politiques qui malheureusement nuisent souvent – mais pas aujourd’hui – à notre travail.
Le fait que des Italiens aient été dernièrement mêlés aux tristes événements qui se produisent en Irak ne pouvait pas, en raison du rôle joué par des militaires américains, ne pas soulever des polémiques et des discussions qui dépassent largement le cas en question. Dans cette brève intervention, je ne m’arrêterai pas sur ce point, entre autres parce que, toute notre histoire mise à part, les Américains sont avec nous dans une Alliance qui, si elle fut contestée au début, obtint à partir de 1976 le consentement de tous les groupes politiques ou presque. Il n’est donc pas besoin de rappeler que nous sommes amis.
Je voudrais en revanche appeler l’attention du président du Conseil sur deux problèmes et faire, au préalable, cette brève remarque: l’enquête italo-américaine sur la triste fusillade constitue une solution sage et opportune, mais elle incite aussi à réfléchir sur le caractère anormal de la situation là-bas. En effet, malgré l’existence d’un gouvernement – tout provisoire qu’il soit – et bien que les élections aient eu lieu, ce sont les occupants qui doivent mener l’enquête sans aucune participation des Irakiens.
Je n’ai pas partagé, les semaines passées, les positions de ceux qui demandaient notre retrait immédiat et, sans oublier qu’a été votée une loi de financement valable jusqu’au 30 juin, je rappelle que le gouvernement s’est engagé a mener un débat approfondi sur l’ensemble de notre présence militaire au-delà des frontières. Ce sera alors l’occasion d’approfondir, entre autres, la nature de notre intervention en Irak, laquelle s’est faite sur la base d’une menace qui s’est révélée par la suite privée de fondement.
Mais je voudrais soulever un autre problème. Depuis quelques jours, les projecteurs internationaux sont braqués sur le Liban. Hier soir, la télévision italienne a retransmis un passage d’un discours du président Bush dans lequel celui-ci, invoquant les décisions de l’ONU, somme les Syriens de quitter immédiatement le Liban.
Mis à part le fait que, depuis cinquante ans et plus, les décisions de l’ONU dans cette zone ne sont pas appliquées, on ne peut oublier qu’une malheureuse initiative de l’ambassadeur américain itinérant, Habib, conduisit à un fragile accord entre le Liban et Israël qui coûta la vie au pauvre président libanais Gemayel. Mais il y a plus. Ces jours-ci, on parle beaucoup du Liban, mais personne ne parle des centaines de milliers de réfugiés palestiniens concentrés au Liban et mal vus de la population libanaise. Qu’arrivera-t-il à ces pauvres gens si les Syriens se retirent soudainement du pays? Au moment où, en ce qui concerne les relations entre Palestiniens et Israéliens, est apparue une lueur d’espoir, il faut faire très attention à ne pas faire de pas précipités.
Je me rappelle très bien la position d’Assad père au moment de la Conférence de Madrid. Il est juste – disait-il – de prévoir des ententes bilatérales entre Israël et la Jordanie, la Syrie elle-même, le Liban et les Palestiniens, mais la conclusion de toutes ces ententes doit être simultanée; nous ne sommes pas disposés – dit-il – à finir comme les Horaces et les Curiaces.
Famille de réfugiés palestiniens au Liban

Famille de réfugiés palestiniens au Liban

Un pays comme le nôtre, qui a toujours été politiquement très attentif au Moyen-Orient, doit aider tout le monde à ne pas faire de faux pas. Nous avons toujours apprécié, par exemple, le silence observé par la Syrie sur l’occupation de sa province du Golan. Vous qui en avez la possibilité, Monsieur le président du Conseil, appelez sur ce fait l’attention du président Bush. Il n’a peut-être jamais été mis au courant.
Je voudrais, pour finir, faire une remarque. Je ne sais pas s’il est vrai que des rançons ont été payées pour sauver cette vie humaine et d’autres aussi. Je comprends qu’il soit douloureux de donner de l’argent à des malfaiteurs et peut-être de les encourager, mais le droit à la vie passe, de toutes façons, avant tout.
On s’est rappelé à cette occasion que pendant l’emprisonnement d’Aldo Moro, on refusa de façon ferme de traiter avec les Brigades rouges qui voulaient, à travers ces tractations, devenir un sujet politique et soustraire la représentation du prolétariat de gauche au Parti communiste. Mais, à la vérité, avec notre accord total – et même avec notre reconnaissance – une tentative de payer une rançon fut faite au nom du Saint Père Paul VI. Malheureusement, l’intermédiaire choisi se révéla être un homme inefficace ou même un bluffeur. Je devais, en ce qui me concerne, saisir cette occasion pour apporter cette précision ici, ce soir.


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