Une intervention de don Matteo Galloni, fondateur de la communauté Amore e libertà
On ouvrira à qui frappe à la porte
par don Matteo Galloni

Il pourrait y avoir 40 000 enfants de la rue à kinshasa. Il s’agit de garçons et de filles de tous Âges en rupture plus ou moins totale avec leur famille d’origine qui, souvent, les éloigne en les accusant de sorcellerie. Il faut leur ajouter les anciens enfants-soldats, arrachés vers 7-8 ans aux bancs de l’école et envoyés immédiatement faire la guerre
La troisième nouveauté est liée à la décision du cardinal Etsou, dont j’ai parlé, de nous constituer en paroisse. Il est habituel chez nous que quelqu’un qui a faim ou qui n’a rien à rapporter chez lui, frappe à la porte pour demander la charité. Pour les curés et les missions de là-bas c’est une occupation quotidienne et ce le sera toujours plus pour notre communauté, lorsqu’elle aura été érigée en paroisse.
Le salaire moyen d’un Congolais correspond à environ quatre-vingt-dix euros par mois: c’est peu mais cela suffit pour nourrir une famille. À ceux qui nous demandent de l’aide nous avons commencé par donner l’équivalent d’une journée de travail, trois euros, en leur demandant en échange, quand c’était possible, un petit travail (nettoyer le pré, déplacer des récipients d’eau, faire les gardiens…). C’est pour cela que nos visiteurs à Kinshasa trouvent toujours un bon nombre de personnes accomplissant les travaux les plus divers (dont certains sont évidemment fictifs…). Nous pensons que c’est mieux ainsi, que la charité, c’est aussi de faire en sorte que les gens soient contents à la fin de la journée de recevoir un salaire et de ne pas se sentir assistés un instant puis abandonnés à eux-mêmes. Mais notre paroisse comprend soixante-dix mille âmes. Nous aurons beau inventer des travaux, nous n’arriverons jamais à occuper tout le monde; et puis que faire des personnes âgées, des enfants? Le morceau de terrain où nous habitons se trouve entre l’aéroport et le bidonville. Il nous a été vendu expressément pour que les gens ne puissent pas y faire, à l’arrière des pistes, de constructions abusives et dangereuses pour le trafic aérien. Au-delà de l’aéroport et le long du fleuve Congo, j’ai repéré un très vaste terrain fertile et j’ai entrepris des pourparlers pour l’acheter pour notre mission, si tant est que je trouve l’argent nécessaire. Je suis aussi en train de faire envoyer d’Italie un container de pioches et de semences et je cherche un moyen de transport pour conduire les travailleurs au champ. J’espère que je réussirai dans mon entreprise. Nous voudrions offrir du travail et donner tous les jours à chacun une paie. Les produits du champ serviraient à l’approvisionnement de la mission et de ses hôtes, parmi lesquels il y a, et il y aura toujours plus, des handicapés et des personnes âgées. Il y a quelque temps, un prêtre m’a conduit dans une cabane dans laquelle nous avons trouvé une vieille femme, seule et dans un état d’épuisement extrême: ses enfants étaient partis chercher du travail, ils n’avaient plus donné ni aide ni nouvelles et leur mère n’avait pas mangé depuis Dieu sait quand. Chez nous, la vie est souvent comme cela. J’explique tout dans le détail à ceux qui ont la possibilité d’aider cette œuvre, j’explique que quatre-vingt-dix euros valent la vie d’une famille pendant un mois, que la terre, l’eau et les bras ne manquent pas, qu’il peut être vraiment important et utile (ne serait-ce que pour freiner l’émigration provoquée par le désespoir ou pour faire revenir ceux qui sont partis) de réaliser un projet agricole innovateur de ce genre. En un mot, nous voudrions “adopter” des pères de famille qui aient la même charité missionnaire que celle que notre communauté a eue avec les enfants, en Italie d’abord et à Kinshasa maintenant.
C’est une proposition. Elle plaît à certains et cela nous réconforte, mais il arrive parfois que la bureaucratie nous mette douloureusement des bâtons dans les roues. Patience, pourvu du moins que cela ne retombe pas sur ceux qui ont faim. Nous ne voulons ni fanfares ni honneurs, nous travaillons pour le Seigneur et pour les pauvres. q