«Une œuvre que j’ai relue avec attention»
Le jeune Albino Luciani obtint son doctorat à la Grégorienne avec une thèse très critique à l’égard d’une œuvre théologique d’Antonio Rosmini. Mais il y a des témoignages, repris dans la Positio super virtutibus de l’abbé de Rovereto, qui font état d’un changement de jugement de la part de Jean Paul Ier. Les voici
un témoignage de Jean Paul Ier tiré de la Positio de l’abbé de Rovereto
Jean Paul Ier
Ces «choses importantes», on peut les lire dans le livre de Camillo Bassotto Il mio cuore è ancora a Venezia, où le pape Jean Paul Ier, au milieu de nombreuses autres confidences, en fait une qui est pour nous d’un grand intérêt.
À la page 121 de ce livre, il est écrit: «Ce fut tard, un soir de septembre, que Jean Paul Ier appela au téléphone don Germano Pattaro et l’invita à venir à Rome. Ils se trouvèrent quelques jours plus tard l’un à côté de l’autre, en toute paix et sérénité. Don Germano, à la vue de Jean Paul Ier, son ancien patriarche, était sur le point de s’agenouiller, mais le Pape le releva, le serra dans ses bras et l’embrassa. Il s’en suivit un entretien long, affectueux et confidentiel. Une petite grande confession réciproque, à cœur ouvert. C’est ainsi que m’en parlait don Germano dans les rencontres que j’ai eues avec lui».
En ce qui concerne Rosmini, voici les paroles de Jean Paul Ier: «Don Lorenzo [Milani] et don Primo [Mazzolari] méritent de retrouver la place qu’il leur revient dans l’Église et dans le cœur de tous ceux qui les ont aimés. Comme le mérite aussi l’abbé Rosmini: un prêtre qui a aimé l’Église, qui a souffert pour l’Église. Un homme de très vaste culture, de foi chrétienne intègre, un maître de sagesse philosophique et morale qui voyait avec clarté dans les structures ecclésiales les retards et les défaillances évangéliques et pastorales de l’Église. Je voudrais trouver une occasion de parler d’Antonio Rosmini et de son œuvre, que j’ai relue avec attention».
Il ne l’a pas laissée échapper, cette dernière expression: «Que j’ai relue avec attention», qui est une confirmation du chemin qu’il faisait dans la connaissance de Rosmini.
La confession de Jean Paul Ier continue: «D’abord, je rencontrerai les pères rosminiens et ainsi nous ferons la paix. Quand ma thèse de doctorat sur L’origine dell’anima umana secondo Antonio Rosmimi a été publiée, certains d’entre eux se sont déclarés en désaccord avec ma pensée et mon analyse. Je désire que l’on revoie le décret doctrinal numéro 10, Post obitum, par lequel la Sacrée Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle a condamné les “quarante propositions” tirées des écrits de l’abbé Antonio Rosmini. Nous le ferons calmement, mais nous le ferons».
«La Providence», remarque Mgr Clemente Riva, «a voulu que celui qui a été le plus en désaccord avec lui soit, durant les jours où il disait ces choses, son évêque auxiliaire pour le diocèse de Rome […]. Entre ces lignes et celles dans lesquelles il soutenait le caractère pratiquement irréformable du décret Post obitum, quel chemin parcouru! […] Ces pages que j’ai écrites veulent être un témoignage de la correction et de la sincérité d’Albino Luciani: un chercheur sérieux qui avait le courage de reconnaître le vrai et le bien, même s’il s’agissait de revoir ou de modifier ses positions précédentes. À bien y regarder, il y a un chemin d’approfondissement et un développement culturel et théologique dans l’esprit de Jean Paul Ier, qui lui fait honneur. De ce chemin culturel d’Albino Luciani resurgissent la valeur et la portée de penseur chrétien de Rosmini lui-même. Mais Jean Paul Ier arrivait dans ce chemin culturel, théologique et pastoral à un “projet de pontificat” qui prévoyait des réformes de la Curie romaine et de l’Église dans l’esprit et dans la lettre du Concile Vatican II. Je renvoie encore à ce sujet à l’étude de Romeo Cavedo, déjà citée: Albino Luciani: progetto di un pontificato. Les pages que j’ai écrites représentent alors un morceau d’“histoire de l’Église”».